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Polynesia

La trilogie de Jean-Pierre Bonnefoy

Le temps existe t-il ?

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Le temps existe-t-il ?

Découvrez avec Polynesia comment les hommes du futur en sont venus à vivre dans des milliers de gigantesques vaisseaux de taille quasi planétaire et souvent éloignés de plusieurs centaines d’années-lumière. Découvrez surtout comment ils voyagent facilement de manière instantanée de l’un à l’autre de ces vaisseaux à l’aide d’un dispositif dans lequel il est dit que le temps n’existe pas.

S’ils utilisent pour circuler entre ces multiples vaisseaux le RHET (Le Réseau Hyper Espace-Temps), une technique somme toute largement développée dans les romans de science fiction et nommée télétransportation (ou téléportation), on peut alors se demander sur quels fondements scientifiques repose la négation temporelle qui « existe » dans le RHET. Cette négation temporelle est-elle de la pure fiction ? Ou bien aurait-elle comme une certaine « réalité » ? Bref, le temps existe-t-il ?

Peut-être en avez-vous fait l’expérience, chacun a sa définition du temps.

Il y a les citations, elles ne manquent pas. Voici par exemple un extrait de « Nouvelle réfutation du temps » de Jorge Luis Borges, que l’on retrouve en exergue du tome 1 de la trilogie Polynesia : « Le temps est la substance dont je suis fait. Le temps est un fleuve qui m’entraîne, mais je suis le temps. »

Il y a toutes nos chères références au temps : « La flèche du temps … » « Le tic-tac de la montre … » « Des systèmes qui évoluent … » « L’aiguille qui avance … «  « On tue le temps … » « Le temps s’en va … »

Il y a la définition du Petit Robert : « Milieu indéfini où paraissent se dérouler irréversiblement les existences dans leurs changements, les événements et les phénomènes dans leur succession. »

Finalement qu’est-ce que le temps ? Existe-t-il tel que nous le concevons ? Mais au fait, justement, comment doit-on le concevoir ?

La première certitude du monde classique, celui que l’on appelle aussi le monde de Newton, s’écroule en 1982.

Un physicien français, Alain Aspect, réalise une expérience devenue très célèbre. C’est une expérience de mécanique quantique. On fabrique deux photons parfaitement corrélés, ils ont les mêmes caractéristiques. Ils sont ensuite séparés et évoluent dans deux milieux éloignés, A et B, différents et totalement indépendants, où les caractéristiques des photons qui vivent leur vie séparément peuvent être modifiées de manière aléatoire. Puis on observe chacun de ces photons maintenant séparés de 14 mètres. Surprise ! Quand l’un se trouve modifié, l’autre l’est aussi, et de la même manière, comme si une information plus rapide que la vitesse de la lumière s’était propagée entre eux pour que l’un calque son comportement exactement sur celui de l’autre. On appelle ce phénomène « intrication ». L’interprétation conduit à considérer que le principe de localité, principe de base de notre monde réel macroscopique, un objet est là, un autre est ailleurs, etc. est brisé ! Interprétation de la mécanique quantique : les deux photons, même séparés de plusieurs mètres, même s’ils étaient séparés de plusieurs milliers de kilomètres, ne forment qu’un seul et même objet. Le principe de localité ne s’applique pas en mécanique quantique.

Mais que devient la question du temps dans cette affaire ?

La deuxième certitude du monde classique commence à faiblir en 1998 et s’écroule littéralement en 2002 à Genève. L’équipe du physicien suisse Antoine Suarez reprend l’expérience d’Alain Aspect avec cette fois des dispositifs A et B rendus mobiles avec une vitesse extrême, liée à l’utilisation d’ondes acoustiques se déplaçant à 9000 km/h. A et B sont distants de 55 mètres. Les résultats de l’expérience sont sans appel. Cette fois, non seulement la non-localité est vérifiée mais également la non-causalité ! Une chose est certaine : la mécanique quantique explique toujours ce phénomène. La corrélation des photons et leur changement d’état ne s’inscrivent pas dans un temps qui s’écoule mais seulement à un instant donné !

Certains iront jusqu’à considérer que le temps (tel qu’on le conçoit, mais qu’est-ce que l’on conçoit en fait ?) n’existe pas dans le monde des particules élémentaires et que le temps est quelque chose qui émergerait des systèmes complexes en évolution. Pas de temps au niveau le plus ultime de la matière. Le temps seulement pour nous au niveau macroscopique.

Plusieurs interprétations ont été faites de cette expérience.

1) Les explications de ces expériences ne peuvent se faire avec nos concepts intimement liés au monde macroscopique. Les explications que l’on peut en donner sortent du champ de la science actuelle.

2) Il faut adopter les concepts de la mécanique quantique qui précise que même si des particules intriquées sont séparées par des distances considérables, elles forment cependant un objet unique.

3) Nous devons modifier notre vision de localité de l’espace et de la causalité des événements qui se déroulent. Il faudra accepter l’idée d’une causalité qui peut même être rétrograde et qui brise fondamentalement les idées sur le temps lui-même.

Finalement, il est vraisemblable que nos conceptions du temps en sciences, dans la vie de tous les jours, en philosophie, etc. ont été construites depuis des millénaires sur des bases évidemment adaptées au monde macroscopique mais qui se révèlent en total désaccord avec les théories du monde microscopique vérifiées par l’expérience.

Alors, pour le monde macroscopique où l’on ne peut nier qu’un « certain temps » existe, peut-être devrions être plus prudents dans nos définitions. En fin de compte, il est certain que :
— dans le monde macroscopique seul le principe de causalité devrait être utilisé pour parler du temps,
— dans le monde microscopique, le concept de temps est à revoir, existe-t-il seulement ?

Il est intéressant de noter qu’à la fin su 18ième siècle un membre de l’Académie royale de Prusse, Jean-Henri-Samuel Formey, avait donné du temps une définition judicieuse : « Le temps est un être abstrait, qui n’est point par conséquent susceptible des propriétés que l’imagination lui attribue. »

Je trouve qu’il y aurait une certaine équivalence à déclarer d’une part quelque chose comme : « Le temps n’est pas ce que l’on croit car au niveau des particules élémentaires les phénomènes d’intrication existent bel et bien et brisent certains principes macroscopiques … »

et d’autre part autre chose comme : « Finalement, depuis des siècles la vision que nous avons du temps, avec sa flèche, le tic-tac de la montre, le fleuve du temps, etc.. a orienté nos croyances vers des notions qui n’ont pas de sens. Seul existe le principe de causalité. »

Si vous trouvez que tout cela paraît bien théorique, dites-vous que :

➢ plusieurs start-up, et autres centres de recherche de par le monde, développent des techniques de cryptographie quantique utilisant le phénomène d’intrication pour mettre au point des systèmes de transmission de données inviolables. Internet est le premier secteur visé pour les applications.

➢ Par ailleurs, plusieurs expériences de par le monde utilisant l’intrication ont déjà permis de réaliser des téléportations de particules, voire de groupe d’atomes …

Au 51ième siècle les humains plongent dans le RHET où le temps n’existe pas pour être télétransportés d’un vaisseau à un autre. Dans ce réseau qui s’étend sur des distances considérables dans toute la Galaxie, comme si la non-localité n’existait plus en son sein, de nombreux Acom (des Agents communicateurs) transportent sans erreur avec le RHET d’énormes quantités de données.

Le RHET du 51ième siècle de Polynesia est-il si loin de nous ?