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Polynesia

La trilogie de Jean-Pierre Bonnefoy

Aujourd’hui, Alpha et le Toa Marama

Retour à la page PRÉSENT Sur le Toa Marama

Le présent de Polynesia gravite toujours autour de deux personnages principaux : Alpha et le Toa Marama.

Alpha est un personnage ambigu. La femme qui l’a inspiré est bien réelle et vit à Tahiti où elle partage l’existence de l’auteur. Rien ne laissait deviner qu’elle deviendrait un jour un personnage de roman. Et pourtant...

La métamorphose a lieu insensiblement au cours du tome 1. Alpha va progressivement se perdre dans d’autres mémoires que la sienne et basculer en douceur dans une sorte de schizophrénie. Elle se conduit alors comme si elle épousait le comportement d’une déesse des temps anciens, ou celui d’une femme du futur. On finit par ne plus très bien savoir qui elle est, pas plus qu’elle-même d’ailleurs ne le sait ou encore son compagnon qui se pose à son sujet de troublantes et angoissantes questions. A cette étrangeté s’en ajoute une autre : petit à petit, Alpha va révéler des dons qui la transporteront dans un monde parallèle, faisant définitivement oublier au lecteur qu’elle ait pu jamais réellement exister.

Dans le tome 1, l’évolution de ce personnage auréolé de mystère est empreinte d’une certaine poésie, en parfaite harmonie avec celle de paysages magiques et beaux. Dans les tomes 2 et 3, nous retrouvons Alpha que l’auteur va plonger dans de nouvelles et plus violentes aventures. Cette fois, il ne nous faudra pas attendre longtemps pour nous rendre compte que les pouvoirs d’Alpha, s’ils ne sont plus les mêmes, sont cependant toujours aussi singuliers, voire plus. Elle nous réserve des surprises qu’on est loin d’imaginer. On peut voir en elle un double, une réplique, d’un autre personnage des tomes 2 et 3, la petite fille des Marquises des temps anciens, la petite Nea, fée ou sorcière, c’est selon...

Tout au long de la trilogie, Alpha ne vit que dans un seul lieu qui est un univers à lui tout seul : son voilier, le Toa Marama. Elle l’occupe avec son compagnon, qui est aussi le narrateur. Tous les deux sont toujours en mer, en route pour une île de la Polynésie comme Taha’a, Bora-Bora, Apataki… ou encore pour l’île de Pâques, qui marque l’extrême est du triangle polynésien. Le Toa Marama est un voilier somme toute normal. Et comme tous les voiliers, il a une âme. Il est vrai qu’il aime particulièrement déployer toute sa toile, fier de sa grand-voile et de ses deux voiles d’avant, génois et trinquette   , qu’il adore gîter un peu, juste pour le fun, et sentir son étrave pénétrer les flots avec une jubilation évidente. Comme tous les bateaux, le Toa Marama rêve. Il porte, comme Alpha d’ailleurs et son compagnon, cet espoir que les marins ont toujours dans le cœur et qui pour certains reste tristement vain, celui de voir un jour monter de derrière l’horizon, une île.

Nul doute que le présent, c’est d’abord Alpha, le Toa Marama, et éventuellement celui qui fait, un peu, marcher la machine, mais qui ne peut rivaliser ni avec Alpha ni avec le Toa Marama pour les deux premières places. Parlons quand même de lui, ce discret personnage qui partage toutes les aventures et peut témoigner de toutes les étrangetés du bord. Dans le tome 1, il est l’homme du présent qui deviendra l’ami de Ta’aroa mais aussi celui d’AngKor. Il sera même la réincarnation du grand prêtre Tumatarii. Autant dire qu’il a lui aussi son mystère. Dans les tomes 2 et 3, il devra se contenter d’un rôle unique mais très fort : il ne sera plus que le compagnon d’Alpha, l’homme de la vie d’Alpha, celui qui veillera sur elle, qui cherchera, sans toujours les trouver, des réponses à ses inquiétantes questions, celui qui assistera, souvent impuissant, aux dérapages de sa raison, à sa folie. Cet homme sans nom dont les rêves se perdent dans la mer ou les étoiles, c’est au fond le grand amoureux de l’histoire, celui dont l’existence n’a de sens que dans le regard de la femme aimée. Personnage secondaire certes, mais sans qui le roman ne serait pas ce qu’il est, ne serait tout simplement pas !